Fiche n°10
Pour un droit au suivi post-exposition, post-professionnel
Etat des lieux
La catastrophe sanitaire de l’amiante a mis sous les feux de la rampe l’occultation des victimes et des maladies induites par l’exposition à cette fibre toxique, laissant à la charge des personnes touchées la gestion des conséquences physiques et psychologiques, individuelles et familiales, de ce drame, et à la charge de la collectivité, notamment l’assurance maladie1, l’ensemble des coûts non reconnus comme indemnisables par les industriels et les employeurs.
Cette catastrophe a également mis en évidence les carences importantes des pouvoirs publics en matière d’information des victimes concernant l’exposition à l’amiante mais aussi le fait qu’ayant été exposées à l’amiante, elles ont subi de graves préjudices ouvrant droit à diverses formes de réparation. En France, un droit à réparation des victimes d’exposition à des risques à effets différés est désormais reconnu, à travers l’indemnisation des préjudices « d’anxiété » et de « bouleversements des conditions d’existence », associés au fait de savoir avoir été exposé à un agent toxique. Le suivi post-exposition et post-professionnel s’inscrit alors comme la première étape du processus de réparation des victimes, professionnelles ou environnementales, d’exposition à l’amiante, au plomb et à tout toxique (cancérogènes, mutagènes, neurotoxiques, rayonnements, toxiques pour la reproduction…).
Depuis sa mise en place, le SPP n’aurait concerné que 3 à 4000 personnes et seulement une douzaine pour l’exposition au benzène par exemple, alors même que ce cancérogène concerne des dizaines de milliers de salariés, de la chimie notamment. Dans les lieux où il n’est pas collectivement organisé et soutenu par une association, seules 200 personnes en auraient bénéficié. La situation est encore plus complexe pour les sous-traitants et les intérimaires.
Il est fondamental de distinguer « dépistage » et suivi médical. Le premier consiste uniquement à repérer et étiqueter d’éventuelles anomalies (ouvrant la voie à un diagnostic de maladie), le second est un « suivi » devant prendre en compte la totalité des manifestations physiques et psychiques (symptômes physiques, douleurs, angoisse) associées à une exposition à l’amiante ou tout autre agent toxique.
Que les données récentes soient ou non en faveur d’un diagnostic précoce en raison d’un bénéfice thérapeutique avéré et ciblé sur la pathologie cancéreuse en particulier, il demeure que l’accompagnement médical du traumatisme, physique et/ou psychologique, dû à l’exposition à un risque mortel doit être organisé, garanti et gratuit, comporter des examens (comme dans le cas du dépistage des cancers du sein et du colon), inscrits dans une stratégie cohérente d’accompagnement médical et médico-social adapté aux symptômes à surveiller, et permettre l’accès aux droits de la réparation évoqués ci-dessus.
Propositions
- Créer des centres locaux de suivi post-professionnel et post-exposition ;
- Pour toute personne suspectant une exposition à un risque toxique, organiser l’accès à une reconstitution de son histoire professionnelle et résidentielle afin de déterminer ces expositions et organiser un suivi médical approprié ;
- Diffuser l’information sur le droit au suivi médical sur le modèle des campagnes en faveur du dépistage du cancer du sein ;
- Interdire toute utilisation du suivi post-professionnel et post-exposition à des fins expérimentales
- Mettre en place des registres de personnes exposées et d’incidence des pathologies recensées au fil du temps afin d’identifier les lieux de contamination en vue de leur assainissement et de la prévention. Le suivi post-professionnel et post-exposition des victimes d’exposition professionnelle ou environnementale à des substances toxiques à effets différés.
1Dans le procès Eternit, à Turin, les deux industriels, sous le coup de lourdes peines de prison, ont également été condamnés à verser une importante indemnisation à l’assurance-maladie italienne, partie civile au procès (février 2012).