Le 29 janvier 2015, le Conseil des ministres européen a décidé de soutenir la Suède dans une action judiciaire contre la Commission européenne devant la Cour européenne de justice. Le Parlement européen pourrait se joindre à cette fronde. Onze parlementaires qui suivent les questions de santé et d’environnement ont envoyé une lettre très ferme à Vytenis Andriukaitis, le commissaire à la Santé, pour le mettre en demeure d’adopter des critères basés sur la science pour la régulation des perturbateurs endocriniens.
D’après la porte-parole du Conseil, la décision a été prise à la majorité. Aucun État n’a voté contre. Il y a eu quelques abstentions.
Le conflit concerne les substances chimiques qui sont des perturbateurs endocriniens. Ces substances affectent la production des hormones et contribuent à de nombreuses maladies parmi les travailleurs et la population qui y sont exposés. Elles contribuent notamment à l’augmentation inquiétante des cancers du sein parmi les femmes et des cancers de la prostate parmi les hommes. Les perturbateurs endocriniens ont également des effets transgénérationnels. Les enfants de personnes exposées (qu’il s’agisse de la mère ou du père) peuvent être affectés par des malformations génétiques, des troubles de la croissance, des retards de développement, des cancers infantiles, etc.
La décision prise par la Suède de poursuivre judiciairement la Commission européenne remonte à mai 2014. Elle est motivée par le fait que la Commission européenne n’a pas adopté les critères qui permettent de définir ce que sont les perturbateurs endocriniens. La définition de ces critères est indispensable pour permettre l’application de deux règlements européens concernant les produits biocides et les produits phytosanitaires. La Commission aurait dû adopter ces critères ainsi qu’une stratégie d’ensemble sur les perturbateurs endocriniens avant la fin de l’année 2013. Elle ne l’a pas fait. Ce retard est lié au lobbying très actif de différents secteurs de l’industrie chimique, notamment les fabricants de pesticides et de matières plastiques. En novembre 2014, une étude publiée par le Conseil des pays nordiques (qui regroupe l’Islande, la Norvège, la Suède, la Finlande et le Danemark) avait mis en avant les importants coûts de l’inaction face aux perturbateurs endocriniens. Elle considérait notamment qu’une part significative des coûts liés aux troubles de la santé reproductive masculine pouvait être attribuée à ces substances chimiques.
« La décision du Conseil des ministres constitue un geste symbolique très important. Elle montre que, dans le domaine des risques chimiques, il existe des possibilités d’alliance pour contrer la politique de la Commission qui cède aux pressions des industriels et met en danger la santé publique, la santé au travail et la protection de l’environnement. Il faut espérer que le Conseil se montrera aussi ferme quand il se prononcera sur le blocage de la révision de la directive concernant la protection des travailleurs contre les agents cancérigènes », estime Laurent Vogel, chercheur à l’Institut syndical européen.
Laurent Vogel