L’association mentionnait récemment le combat judiciaire entrepris par 21 ex-salariés d’Eternit Albi. Nous reproduisons ci-dessous un article paru dans l’édition locale de La Dépêche du Midi, datée du 12 mai 2012, qui relate leur victoire devant la Cour d’appel de Toulouse, qui servira de précédent à l’ensemble des travailleurs exposés à des conditions de travail dangereuses pour la société.
La cour d’appel de Toulouse vient d’accorder 10000€ d’indemnités à 21 anciens salariés de l’amiante pour «préjudice d’anxiétés». Tous travaillaient à l’usine Eternit de Terssac.
Les travailleurs de l’amiante remportent une nouvelle victoire. Dans un arrêt remontant au 3 mai et dévoilé cette semaine par l’Association régionale des victimes de l’amiante (Addeva 81), la cour d’appel de Toulouse reconnaît « le préjudice d’anxiété » à 21 anciens salariés de l’usine Eternit de Terssac. Chacun des plaignants se voit allouer la somme de 10 000€. Une réparation qui n’est que justice pour Jean-Marie Birbes, le président de l’Addeva 81 : « Du fait de l’exposition à l’amiante, la vie de ces salariés a fortement changé. Beaucoup sont dépressifs et sous cachets. Même si on n’a développé aucune maladie de l’amiante, quand on va chez le toubib, ce n’est pas tout à fait pareil. Si on tousse et qu’on a des douleurs, elles n’ont pas la même signification. Des camarades refusent même les scanners, de crainte de se voir découvrir un Mésothéliome, le cancer de la plèvre dû à l’amiante. Nous, on leur dit, vas-y, c’est mieux quand c’est pris tôt. »
Ancien du laboratoire d’Eternit et ancien délégué CGT, Jean-Marie Birbes, 58 ans, à la retraite anticipée depuis l’âge de 54 ans, est atteint de plaques pleurales avec nodules, reconnues comme maladie professionnelle. Indemnisé par ce biais, il ne fait donc pas partie des plaignants en bonne santé concernés par cette décision sur le « préjudice d’anxiété ». Il n’est pas pour autant épargné par cette angoisse latente, contre laquelle il lutte par le sport (tai-chi et randonnée) et en donnant de son temps en tant que président de l’Épicerie sociale de Gaillac.
Dans la foulée de ces 21 dossiers concernant des retraités de l’amiante âgés de 59 à 63 ans, deux autres ont saisi le 16 avril le conseil des prud’hommes d’Albi, dans l’espoir de se voir reconnaître eux aussi le « préjudice d’anxiété ».
«Pour tous les salariés »
Parmi les plus jeunes de ceux qui ont travaillé à Terssac avant l’interdiction de l’amiante en 1996, une dizaine de plus pourraient prétendre à cette indemnisation. Pour la cour d’appel de Mâcon, qui, dans la foulée de la Cour de cassation en 2011, l’a reconnu à un autre ancien d’Eternit, le préjudice d’anxiété est justifié « par une situation d’inquiétude permanente ». Se faisant l’avocat de ses anciens collègues, Jean-Marie Birbes estime que ces 10 000 € sont une compensation à la perte de revenu provoquée par la retraite anticipée des travailleurs de l’amiante. Un préjudice économique que la cour d’appel de Toulouse n’a pas admis. Le préjudice d’anxiété est en revanche une satisfaction pour l’Ardeva. Fort de cette jurisprudence, Jean-Marie Birbes fait valoir que ce principe pourra valoir « pour tous les travailleurs exposés à des substances dangereuses ou cancérogènes, par exemple dans l’agriculture ou dans le nucléaire. Notre combat servira l’ensemble des salariés. »
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Quatre plaintes de veuves
Si l’Association régionale des victimes de l’amiante (Addeva 81) arrive au bout de son combat judiciaire, il lui reste une bataille à mener, et non des moindres. Quatre veuves de salariés d’Eternit Terssac morts de maladies de l’amiante ont porté plainte pour « homicide involontaire ». « Nous avions seize dossiers de salariés décédés, mais il était inutile de les multiplier en justice. Nos avocats ont choisi les cas les mieux étayés », dit Jean-Marie Birbes. Le président de l’Addeva 81 note que le procureur de la République d’Albi « a été le seul à transmettre les plaintes à la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy, au pôle de santé publique à Paris ».
Jean-Marie Birbes a encore deux collègues qui souffrent de cancers dûs à l’amiante. Ce qui lui importe surtout, « c’est que se tienne un jour un procès définissant au pénal les responsabilités dans le scandale de l’amiante. Eternit ne s’est jamais excusé et a toujours fait appel de toutes les décisions. Néanmoins, je n’ai pas de haine. On ne veut pas d’envoyer des gens en prison, pas même notre patron. Je rappelle aussi qu’en Italie, le patron d’Eternit Suisse a été condamné à 16 ans de prison ferme pour homicide et empoisonnement volontaires. »