La Cour de cassation reconnaît le préjudice d’anxiété des travailleurs exposés à l’amiante et condamne les employeurs à les indemniser.
Une importante décision de justice est intervenue aujourd’hui. La cour de cassation a reconnu le préjudice d’anxiété de salariés en cessation anticipée d’activité du fait de leur exposition à l’amiante. Le préjudice est défini par la Haute Cour dans ces termes : « Les salariés… se trouvaient par le fait de l’employeur dans une situation d’inquiétude permanente face aux risques de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante et étaient amenés à subir des contrôles et examens réguliers propres à réactiver cette angoisse ».
Selon Me Jean-Paul Teissonnière, qui a défendu les salariés devant les tribunaux des prud’hommes puis les Cours d’Appel de Paris et de Bordeaux,
La contamination constitue une forme d’atteinte corporelle même si elle n’aboutit pas nécessairement à l’apparition d’une pathologie reconnue dans le cadre des maladies professionnelles. Il était essentiel que la Cour reconnaisse le droit des salariés contaminés (alors même qu’ils ne sont pas malades) à obtenir réparation de ce préjudice devant le Conseil de Prud’Hommes. Il restera à en obtenir une meilleure indemnisation en s’attachant à décrire chacune des composantes de ce préjudice spécifique ».
Coupables mais pas responsables…
Néanmoins, la cour de cassation casse les arrêts de Cour d’Appel de Paris et Bordeaux qui avaient également reconnu le préjudice économique subi par les salariés concernés, du fait de leur départ en pré-retraite avec une perte économique de 35% par rapport à leur salaire. Selon Me Jean-Paul Teissonnière : « Contredisant les Cours d’Appel de PARIS et de BORDEAUX et le courant jurisprudentiel majoritaire qui se dessinait dans toute la FRANCE, la Cour de Cassation approfondit le processus de déresponsabilisation des entreprises qui ont impunément empoisonné des dizaines de milliers de salariés et dont l’indemnisation repose, pour l’essentiel : non sur les employeurs responsables mais sur la branche accident du travail – maladie professionnelle de la Sécurité Sociale ».
Ban Asbestos France et l’association Henri Pézerat considèrent que la décision de reconnaître le préjudice d’anxiété de salariés contaminés est une avancée majeure sur le terrain du droit à la santé des travailleurs. Il s’agit d’une reconnaissance essentielle de ce que vivent les victimes d’une contamination dont les effets se manifestent des années voire des décennies plus tard. Cette reconnaissance devrait faire jurisprudence dans les nombreux cas d’entreprises ayant exposé leurs salariés aux contaminations, intoxications ou irradiations.
Les deux associations continueront à soutenir la lutte pour la justice devant les Cours d’Appel de renvoi, afin d’obtenir la reconnaissance du préjudice économique et en faire assumer le coût par les véritables responsables de cette mise en danger délibérée d’autrui.