Le 10 décembre 2013, la Cour de cassation a prononcé deux arrêts d’une exceptionnelle importance pour le mouvement des victimes de l’amiante. La mise en examen des industriels d’Eternit France – messieurs Cuvelier, Décret, Bride et Vast – avait été confirmée par la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris le 23 mai 2013. Le pourvoi en cassation formé par les industriels a été rejeté dans le premier arrêt du 10 décembre 2013. Le second arrêt casse l’annulation des mises en examen des personnes ayant participé au Comité Permanent Amiante. La Cour de cassation récuse les arguments des uns et des autres affirmant, en particulier, que «la prise en compte d’enjeux économiques n’est pas une condition exonératoire de responsabilité pénale» (cour cass, arrêt 6137, 10 décembre 2013). Nous osons donc attendre avec confiance la décision de la Cour de cassation concernant la mise en examen de Monsieur Chopin, dernier PDG d’Amisol, de sinistre mémoire. Les arguments retenus pour les un devraient prévaloir pour les autres.
Les deux arrêts cités plus haut résultent de la synergie entre l’important travail de mémoire sur les faits, réalisé par les collectifs ouvriers victimes de l’amiante, la mise en visibilité des conséquences par des chercheurs indépendants de l’industrie et la remarquable élaboration juridique, construite par des avocats engagés depuis des années dans la défense des droits des travailleurs victimes de risques industriels. Cette synergie doit se poursuivre dans l’étape décisive qui devrait désormais s’ouvrir : le procès pénal des industriels de l’amiante.
Il est paradoxal qu’en octobre 2013, le Conseil d’Etat ait rejeté notre recours visant à faire annuler l’article 5 du décret du 4 mai 2012 qui reporte à 2015 l’abaissement de la valeur limite d’exposition professionnelle à l’amiante. La raison invoquée par le conseil d’Etat est… l’inertie des entreprises à investir dans des équipements de protection performants ! Quant à notre recours introduit en 2011 contre le décret du 5 juin 2011, relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à la présence d’amiante dans les immeubles bâtis, nous attendons toujours la réponse, alors que se multiplient les alertes à la contamination par l’amiante d’immeubles, d’hôpitaux, d’écoles, etc….
Le combat continue et, plus de 15 ans après avoir déposé les premières plaintes pénales, notre détermination est plus grande encore d’obtenir que justice soit rendue. Travailleurs, citoyens, scientifiques, syndicalistes, militants, aux côtés des victimes, nous sommes prêts à témoigner des faits dont nous pouvons avoir connaissance pour faire éclater la réalité de ce « désastre volontaire » que fut le marché de l’amiante, en France, en Europe, et qu’il est encore sur d’autres continents. A l’évidence, de la tenue et de l’issue de ce ou ces procès, dépendra l’avenir de la gestion des risques industriels en France et en Europe. Que 2014 soit l’année de la justice!
Lire le communiqué de presse de l’Association Henri Pézerat en pdf (16 janvier 2014)