Fiche n°12
Pour une modification du droit pénal
pour la condamnation des crimes industriels
Etat des lieux
Les catastrophes industrielles et technologiques qui jalonnent les dernières décennies : Minamata, Bhopal, Tchernobyl, Fukushima, l’affaire du sang contaminé ou celle de l’amiante ne sont saisies qu’au travers de qualifications inadaptées qui ne rendent pas compte du caractère collectif et organisé des crimes et délits et du consentement de leurs auteurs à l’accumulation des risques mortels et des victimes.
Ce désastre récurrent ne correspond pourtant à aucune fatalité. Non seulement ces catastrophes sont prévisibles, mais elles sont désormais évaluées et quantifiées comme autant de paramètres intégrés dans le choix des décideurs. Pourtant la faiblesse des textes répressifs dispersés dans des codifications à vocation catégorielle permet aux responsables de penser qu’ils n’enfreignent aucun interdit majeur.
Ce « permis de tuer » est d’autant plus toléré que cette forme moderne de criminalité démultipliée par la puissance de l’industrie ne suppose chez ses auteurs au sens propre du terme aucune intention de nuire à l’égard d’aucune victime en particulier. L’élément intentionnel dans sa forme classique y disparaît au profit du simple consentement. Ignoré des lois pénales, ce « consentement meurtrier » doit enfin être énoncé comme un interdit majeur.
Dans l’affaire de l’amiante, l’exception éclairante des condamnations à 16 ans d’emprisonnement prononcées le 13 Février 2012 par le Tribunal Correctionnel de TURIN, saisi par le Parquet de l’interprétation d’un texte conçu principalement pour juger des conséquences des ruines d’immeubles et retenant la notion de « désastre environnemental », nous montre la voie.
La prise en compte des effets différés des risques modernes impose de privilégier les situations de mise en danger et non leurs conséquences pathologiques et mortelles comme situation permettant la qualification des crimes et des délits, les conséquences en termes d’atteinte à la vie ou à la santé étant considérées comme des circonstances aggravantes.
Proposition
La norme essentielle en la matière pourrait être énoncée de la façon suivante :
« Article 1er :
Toute action organisée quel qu’en soit l’objet, dont les conséquences délibérément consenties par les auteurs conduisent à mettre en danger la vie ou la santé des personnes par la violation d’une obligation de sécurité prévue par la Loi ou les règlements, est punie d’une peine de trois ans d’emprisonnement.
Lorsque l’atteinte à la santé publique a entraîné une incapacité temporaire totale de plus de trois mois ou une incapacité permanente partielle sur une ou plusieurs personnes, la peine est portée à cinq ans d’emprisonnement.
Lorsque l’atteinte à la santé publique a entraîné le décès d’une ou plusieurs personnes, la peine est portée à quinze ans d’emprisonnement.
Article 2 :
Toute action organisée quel qu’en soit l’objet dont les conséquences délibérément consenties par les auteurs conduisent à mettre en danger l’existence même locale d’espèces animales ou végétales protégées, par la violation d’une obligation de sécurité prévue par la Loi ou les règlements, est punie d’une peine d’un an d’emprisonnement.
Lorsque l’atteinte à l’environnement a entraîné une atteinte avérée à la biodiversité par la destruction totale ou partielle d’espèces animales ou végétales protégées, la peine est portée à trois ans d’emprisonnement. »
Dans le Code Pénal Français, la réforme consisterait à rédiger un nouveau livre V qui au lieu de s’intituler « Les autres crimes et délits », deviendrait « Les crimes et délits mettant en cause l’éthique biomédicale, la santé publique et l’environnement ».
Dans ce nouveau Livre V, le titre I consacré à l’éthique biomédicale resterait inchangé.
Un nouveau titre II s’intitulerait : « Crimes et délits portant atteinte à la santé publique et à l’environnement ».
L’ancien titre II consacré aux « sévices sur les animaux » deviendrait le titre III.