Fiche n°4
Le financement des opérations de désamiantage
Etat des lieux
En 1990, la France était le 1er pays importateur d’amiante en Europe. Les industriels ont largement utilisé l’amiante, matériau peu onéreux et présentant de multiples qualités. Ainsi, l’amiante est présent dans la composition de plus de 3000 produits, il a été disséminé partout dans les bâtiments : dalles de sol, colles, bardages, tuiles, mitrons, flocages, calorifugeages, cloisons, toitures, joints, mastics, plâtres, peintures….
Le « magic minéral », dont les industriels connaissaient pourtant le pouvoir cancérogène depuis le début des années 1930, ont disséminé de l’amiante dans les bâtiments jusqu’en 1996. Ils ont pollué ces bâtiments et exposent maintenant leurs occupants et les travailleurs du secteur du bâtiment à des risques de cancer et de mésothéliome.
Les industriels ne se sont pas contentés d’engranger des profits en répandant la fibre mortelle un peu partout, ils l’ont fait sciemment et ont organisé la dissimulation des effets sanitaires de l’amiante de façon à pouvoir en faire leur profit le plus longtemps possible. Dès 1971, lors de la conférence internationale de Londres, les industriels de l’amiante ont bâti une stratégie leur permettant de continuer à utiliser le minerai. Un extrait du compte rendu de cette réunion montre la stratégie qui sera mise en place 11 ans plus tard en France par les industriels au travers du Comité Permanent Amiante (CPA) :
– « en ce qui concerne les réglementations gouvernementales à venir, il me semble tout à fait souhaitable que vous cherchiez à participer à leur élaboration à travers vos organisations. […] sans le Conseil [de recherche sur l’asbestose], qui a été créé de toutes pièces par l’industrie de l’amiante, les réglementations britanniques auraient été bien plus draconiennes » ;
– « je vous invite tous à préparer votre défense dès maintenant. […] avez-vous un comité d’action disposant des fonds nécessaires, mais aussi d’une expertise technique et médicale ? […] êtes-vous en contact avec des consultants en relations publiques capables de vous donner de bons conseils ? ».
A l’initiative de Dominique Moyen, directeur général de l’INRS, qui a proposé aux industriels de l’amiante de se rencontrer dans une structure informelle, le CPA a été crée en 1982. Il rassemblait des industriels de l’amiante, des médecins, des scientifiques, des syndicalistes et des représentants des pouvoirs publics. Sous l’influence des industriels dont l’objectif premier était de retarder le plus tard possible l’interdiction de l’amiante en France, le CPA a lancé un slogan ; « l’usage contrôlé de l’amiante », inapplicable à l’amiante, disséminé dans plus de 3 000 produits sur tout le territoire national. Personne ne peut contrôler l’usage d’un matériau, ses altérations dues aux travaux, son vieillissement une fois qu’il est intégré à une construction.
« L’usage contrôle de l’amiante », mis en œuvre par les industriels de l’amiante, a conduit à la situation actuelle : des bâtiments truffés d’amiante qu’il faut désamianter avant toute réhabilitation – ce qui peut constituer parfois jusqu’à 40% du coût de la réhabilitation – ; des collectivités territoriales qui ne peuvent pas faire face à de tels coûts ; des agriculteurs dont les bâtiments sont recouverts de fibrociment et qui ne pourront pas financer une opération de désamiantage ; des travaux négociés au moindre prix qui conduisent à la pollution de bâtiments ; etc….. Pour la collectivité, le prix à payer de la stratégie développée par les industriels de l’amiante est très lourd. On comprend mal dans ces conditions qu’ils ne contribuent pas financièrement à dépolluer les bâtiments qu’ils ont pollués. Certains d’entre eux, qui dans les années 80 appliquaient du flocage, se sont d’ailleurs reconvertis au désamiantage. Pour ces industriels, pas de doute, l’amiante est bien un « magic minéral » : il permet de gagner plus d’argent lorsqu’on le retire que lorsqu’on l’appliquait.
Proposition
Les entreprises qui ont fabriqué et commercialisé, en toute connaissance de cause, des matériaux contenant de l’amiante doivent participer au financement du retrait de ces matériaux. Nous demandons la création d’un fond abondé par les industriels ayant fabriqué des produits et matériaux contenant de l’amiante. Ce fond serait destiné à financer partiellement la réalisation des opérations de désamiantage, en priorité des bâtiments publics mais pas exclusivement.
Ces entreprises sont aisées à identifier. Avec le dispositif de cessation anticipé d’activité pour les travailleurs de l’amiante, les établissements qui ont fabriqué et transformé des matériaux contenant de l’amiante sont recensés. Ils sont sur une liste établie par arrêté du Ministère du travail. Certains de ces établissements ont disparus, mais certains ont appartenu à des groupes dont le plus connu est le groupe Saint Gobain. D’autres ont changé de nom et d’activité mais ils existent toujours.